Nouvel an berbère
Yennayer 2975
Nouvel an berbère
Bonne année – Assegas amegaz
Yennayer 2975, le nouvel an berbère sera fêté cette année le 12 janvier 2025. Inscrit depuis 2015, au patrimoine immatériel universel de l’Unesco, aux côtés du tifinagh et du couscous, yennayer sera célébré partout où les Imazighens (pluriel d’amazigh « hommes libres ») ou Berbères, forment un peuple : des Iles Canaries à l’Ouest jusqu’en Égypte à l’Est en passant par le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso ; sans oublier les diasporas européennes et nord-américaines. Assegas amegaz !
Apparenté au latin Ianiarius (janvier) du calendrier julien de la Rome antique, Yennayer est fêté le 12 janvier du calendrier grégorien. Le nouvel an berbère célèbre le retour de la lumière. Mais, comme fête du passage, Yennayer porte sa part d’inquiétude : l’incertitude quant au retour de l’ascension du soleil, d’où certains rites propitiatoires, pour ne pas heurter et rendre propice le retour de la lumière et de la prospérité.
Un peu d’histoire
Par convention, le calendrier berbère fonde son origine sur un fait historique avéré : l’arrivée au pouvoir, dans l’Égypte antique en 950 avant JC, de Sheshonq Ier (en berbère, Chachnaq) lequel est issu des Mâchaouach, tribu berbère à l’Est de la Libye antique. Fondée à partir sans doute de 943 (et non 950) par Chachnaq, la XXIIème dynastie libyenne perdurera jusqu’en 715 avant JC.
Ne pas fâcher les gardiens de la maison
Les rites de Yennayer visent à augurer une année prospère, à obtenir les bonnes grâces des esprits bénéfiques, ces gardiens de la maison (aâssas boukham) et à préserver l’harmonie du monde. Un Feng shui à la sauce berbère ! Il faut alors faire le grand ménage, nettoyer, parfumer et purifier la maison (ou l’appartement) avec des essences diverses. Il est conseiller de changer les ustensiles usagés. Pour honorer les iɛessassen, les gardiens de la maison, de petites quantités de couscous ou de fruits secs sont déposées ici ou là – traditionnellement sur le seuil de la porte, le métier à tisser (azzetta), dans le moulin à pierre domestique (tasirt), dans le foyer (kanun), la poutre maîtresse (assalas alemmas) ou le pied de l’olivier séculaire. Un coq ou une poule est sacrifié, histoire de chasser les forces maléfiques (asfel). Les cheveux de l’enfant né dans l’année sont coupés pour lui augurer une vie longue et robuste. Le sol est recouvert de plantes vertes pour que la végétation persiste. Pour éloigner la malédiction, des brins de genêts (uzzu) ou d’aubépine (idmim) sont déposés… sur les toits, etc. Le feu étant un symbole de lumière et d’énergie, il était interdit de sortir les braises du foyer partant d’en donner au voisinage ; idem pour le levain. La nuit du basculement, soit la nuit de Yennayer, il faut éviter de parler fort, de faire du bruit ou de prononcer certains mots (misère, faim, sécheresse). Il vaut mieux attendre pour se couper les ongles ou se raser. Éviter aussi de laver le plat (tharvouthe) ou les assiettes du repas de réveillon : les restes nourriront les gardiens de la maison.
A table !
Pas de Yennayer sans un couscous à la volaille, mélangée parfois à de la viande séchée (acedluh). Le couscous est agrémenté de sept légumes et/ou légumineuses. Mais cela est affaire de région. Ainsi pourra-t-on préparer un cherchem, plat à base de fèves, pois chiches et blé dur, rehaussé de cumin, l’uftiyen, une soupe préparée à partir de pois chiches, de fèves et de pois cassés ou encore berkoukes et autre abazin arrosé d’huile d’olive. Avec des plantes et des racines, on prépare la galette du nouvel an (ahbul n yennayer). Deux règles sont à respecter : (1) les aliments doivent symboliser blancheur, abondance et générosité ; il faut bannir les aliments sombres (couscous d’orge par exemple) épicés, pimentés ou amers. (2) Pour éloigner le spectre de la famine, c’est rassasié qu’il faut quitter la table. Côté sucreries, préférence est donnée à ce qui lève à la cuisson : beignets (sfenǧ, tih’bulin, lexfaf) ou crêpes (tiγrifin, trid, ah’eddur, acebbwad’). Les friandises doivent comprendre des fruits secs.
Le repas du réveillon amazigh (imensi n yenayer) est un moment de communion, familial et communautaire. Même les absents ne sont pas oubliés. Dans le plat commun, des cuillères sont disposées pour les filles mariées, les enfants partis à l’étranger ou les personnes récemment décédées. Morts et vivants forment un tout. Augure d’abondance, d’harmonie voire de pardon, Yennayer célèbre la Terre-Mère nourricière et le commun en partage.
Masques et déguisements
Yennayer, c’est halloween en janvier ! Les enfants se déguisent, portent des masques. La veille de Yennayer, ils passent de maison en maison pour recueillir beignets, feuilletés de semoule (timsemmin) et friandises. Comme les masques symbolisent le retour des morts sur terre, gare aux pingres ! Ne rien offrir fâcherait les invisibles et ruinerait les espoirs d’une bonne et heureuse année.