Rencontre avec Tassadit Imache à l’ACB et sur FB

Le 28 septembre 2024 à 16h15

La réédition, préfacée par Faîza Guène, d’Une Fille sans histoire (paru en 1989) est une excellente nouvelle. Le roman évoque un « amour imprévisible », entre une Française et un Algérien sur fond de guerre d’Algérie, de cité de transit, de luttes sociale et anticoloniale. Une Fille sans histoire racontait déjà le racisme, les regards qui enferment et les appartenances plurielles. En 2023, dans Le Voyage empêché qui transporte le lecteur entre Paris, la Kabylie, la Grèce et la Dordogne, Tassadit Imache continue de sculpter ces thèmes et les visages des siens. Autrement.

En 1990, Tassadit Imache inaugurait la première soirée de nos rencontres littéraires, l’ACB ouvre les guillemets, selon le titre trouvé par l’une de ces deux chevilles ouvrières d’alors, le regretté André Videau. Tassadit Imache y présentait son premier roman, Une Fille sans histoire (Calmann-Lévy, 1989). Lil, cette fille dite sans histoire, est la fille d’Ali et de Huguette. Serait-il exagéré d’avancer que tout Tassadit Imache était déjà là ? Sans doute ; ne serait-ce que parce que Tassadit Imache, en écrivaine, a souvent renouvelé son écriture, montrer depuis bien des variations, évolutions et nouveautés. Mais, fidèle à elle-même et aux siens – disparus ou non – elle n’a jamais transigé – malgré critiques et éditeurs – sur l’histoire de cet « amour imprévisible » entre une française et un algérien devenu « la source du conflit original ».

Sur fond de guerre d’Algérie, de bidonville et de cité de transit, de luttes sociales et anticoloniales, Une Fille sans histoire raconte déjà le racisme, les regards qui enferment, les appartenances plurielles et le poids des doutes, les héritages reçus sans testament, les cheminements et les errements. La colère aussi. En 1989, Une Fille sans histoire est entrée avec force, si ce n’est dans la basse-cour de la littérature française, à tout le moins dans le landerneau de la littérature étiquetée « beur », enfermé dans l’étouffante assignation à résidence du « d’où viens-tu ? ».

Une Fille sans histoire n’a rien perdu de sa pertinence. De son actualité aussi. Quelle fut sa place chez des auteurs de la génération d’après ? Faïza Guène en parle dans sa préface. Quelle place occupe aujourd’hui ce roman inaugural chez les jeunes lectrices et lecteurs ? De cela, la jeune journaliste et réalisatrice Aïda Amara témoignera.

En 2024, une dizaine de livres après, Tassadit Imache continue de sculpter ces thèmes et les visages des siens, entre ombres et lumières, entre hier et aujourd’hui, elle creuse à la gouge, finement et en profondeur, écrit à l’épure.

Le Voyage empêché est un texte écrit en période de confinement : Tassadit Imache devait partir vers la terre des origines, elle a déménagé dans le Sud-Ouest hexagonal. Il fallait quitter Paris, rechercher « un choc salutaire » sur la terre du père, puis s’installer en Grèce, pays du compromis, celui où « j’ai trouvé mon village kabyle au flanc de la montagne grecque », pays de l’illumination et de l’amour. Tout cela fût « empêché ». Direction la Dordogne. Rencontre avec les « indigènes » du cru, les voisins-métèques du coin et le « local » de l’étape : l’homme de Néandertal, le « sauvage », le « débranché », l’« indétectable », à qui les « détenteurs de droits à leur propre origine » ont en fait baver, préférant « chouchouter » homo sapiens… Le déménagement a fait pousser des ailes à l’imaginaire.

Dans la foulée des Cœurs lents (Agone 2017) Tassadit Imache rappelle qu’il faut en finir avec le « trafic d’identités » et se tourner – enfin – vers l’essentiel : « vous n’avez pas ouvert ici un livre des morts passées et à venir. De l’amour surgira peut-être, comme une porte dérobée s’ouvre au fond de l’impasse, moins rapidement que dans une série Netflix au timing millimétré – c’est juré, nous en avons besoin, vous et moi. “All you need is love”, fredonnait à la fin de sa vie un analyste de mes amis, plutôt fatigué, à ses patients ».

La rencontre, animée par Aïda Amara et Mustapha Harzoune, proposera un regard croisé entre générations, entre Une Fille sans histoire et Le Voyage empêché.

Le Voyage empêché, Hors d’atteinte, 2023, 144 p., 15 €.

Une Fille sans histoire, Préface de Faïza Guène. Postface inédite de l’autrice. Hors d’atteinte, 2024, 123 p.17 €.

Pour aller plus loin : Un entretien avec Tassadit Imache  ▶️